La PAC 2025 sera-t-elle américaine ??...
Quelle sera la PAC en 2025 ? Non ce n’est pas une provocation au moment où les derniers détails de la mise en place de la réforme de 2015 ne sont pas encore tout à fait calés. Il faut au bas mot deux ans pour négocier une réforme et deux ans pour la mettre en place. Autant dire que les discussions sur la future réforme à l’horizon 2020 ne vont pas tarder à s’engager. Gageons que dans les coulisses les jeux d’acteurs ont déjà démarré !
Quelle sera la couleur générale de la PAC 2020-2025: continuité, inflexion ou rupture? La dernière véritable rupture remonte à plus de 20 ans avec la réforme Mac Sharry de 1992 dont les prémices avaient été lancées quelques années auparavant avec le livre blanc de Jacques Delors. D’une logique de soutien par des mesures de marchés on s’engageait vers des aides directes aux agriculteurs. Par évolutions successives (avec cependant une inflexion: le découplage) nous sommes arrivés très progressivement et sans rupture aux Droits au Paiement de Base (DPB) d’aujourd’hui.
La PAC actuelle:
Une logique datant des années 90
La logique « de continuité historique » voudrait donc que la prochaine réforme mène la démarche à son terme avec un paiement unique à l’hectare dans l’ensemble de l’UE... et pourtant est-ce si sûr? Nous vivons ces ajustements successifs (Fischler, Ficher-Boell, Ciolos...) dans une triple logique issue du contexte des années 1990: une surproduction européenne et des stocks pléthoriques, une OMC active pour augmenter les échanges mondiaux et la nécessité de réduire notre empreinte écologique. Si le troisième terme du débat est toujours d’actualité les deux précédents sont dépassés : l’OMC est dans l’impasse et l’objectif n’est plus de gérer l’offre mais d’arriver à satisfaire la demande agricole mondiale.
La question centrale est comme toujours : quels sont nos objectifs ? Il y a cinquante ans nous recherchions une autonomie alimentaire, puis nous sommes passés il y a vingt ans dans une certaine logique d’aménagement du territoire et d’équilibre social (logique dite inclusive). Au plan des prix agricoles nous cherchons un alignement sur les marchés mondiaux. Pour demain restons nous dans ce choix ou nous donnons nous le challenge d’augmenter de manière compétitive notre production agricole pour exporter sur les marchés mondiaux ?
De l’autre côté de l’atlantique les Américains avec le Farm Bill ont fait un choix très clair : augmenter la production pour exporter. Afin d’atteindre cet objectif ils mettent en place une nouvelle politique qui sécurise complètement le producteur au plan économique ce qui est le meilleur
moyen de l’inciter à produire davantage (nous le savons très bien puisque c’était notre politique durant les trente glorieuses). Cette politique ne se préoccupe pas trop de l’OMC !! Elle est en même temps comme toujours aux USA polymorphes avec un volet alimentaire (les fameux food stamps) primordial, un soutien aux agricultures périurbaines, aux circuits courts et une forte dimension environnementale « préservatrice ». Avec une telle politique le budget agricole public peut varier beaucoup d’une année à l’autre à cause des fluctuations de prix puisque d’une manière ou d’une autre l’État compense partiellement ces écarts. Dans un contexte de budget contraint le gouvernement américain parie donc sur une progression régulière de la demande et des prix durablement élevés, mais c’est lui, et non les producteurs, qui assume ce risque.
Une réelle ambition exportatrice pour l’Europe?
Du côté de l’Union Européenne on peut imaginer que le contexte d’une demande mondiale durablement élevée et d’une tension assez continue sur les marchés pourrait changer la vision de la PAC. Néanmoins une politique « à l’américaine » buterait sur un obstacle budgétaire. Dans une Europe à 28 l’approche budgétaire a toujours été conduite dans une stricte gestion annuelle, sans aucun report d’une année sur l’autre, les excédents étant reversés aux États en fin d’année. Le budget agricole est figé et sécurisé par des stabilisateurs budgétaires. Il est donc impossible d’avoir une politique souple en fonction de la conjoncture économique. Si l’Union veut s’engager dans cette voie il faudra des évolutions allant bien au-delà de la PAC et la doter d’un véritable budget autonome et de ressources financières propres.
Enfin la géopolitique pèsera sur la négociation quand elle entrera dans sa phase active. Ainsi par exemple un éventuel retrait du Royaume Uni de l’Union Européenne aurait un impact très fort sur les équilibres internes et renforcerait sans doute la position allemande.
La future réforme de la PAC aura donc sans doute, encore plus qu’hier, une dimension extrêmement politique. Cela pose deux questions fondamentales : quelles finalités de la politique agricole en Europe et en France et quelle compatibilité entre les deux ?