Sortie de crise épisode 1 : Renaissance ou bombe à retardement
Il fallut à Gabriel Attal trois essais pour sortir de l’impasse. Après deux tentatives le Premier Ministre a enfin trouvé la bonne méthode et proposé un paquet qui a permis de débloquer une situation qui menaçait de mal tourner. A-t-il perdu son bras de fer avec la FNSEA car c’est bien de cela dont il s’agit pour le moyen terme, ou a-t-il su construire un compromis gagnant ?
Pourquoi tant de bévues ?
On comprend mal comment il a commis autant d’erreurs dans ses premières annonces en Haute Garonne. Une mise en scène soignée avec une botte de paille comme pupitre, un public chamarré d’agriculteurs et d’élus, un passage sur un blocage autoroutier : habile ou pas chacun jugera mais il y a sans doute eu erreur de cible et de langage que les agriculteurs ont mal compris. Il a choisi de traiter avec un agriculteur «de base » médiatisé qui sans être un dissident de la FNSEA était quand même en rupture de ban avec son syndicat. Était-ce une opération calculée dans la tradition macronienne de contourner les corps intermédiaires ou une erreur d’appréciation par méconnaissance du contexte (on se demande dans tous les cas qui conseille le Premier Ministre). Ce faux pas, il le paiera cher et sans doute longtemps dans ses rapports avec la FNSEA. La centrale syndicale a en effet vite repris la main pour canaliser la colère montante dans ses rangs, la Coordination Rurale et la Confédération Paysanne ont fait de même. La FNSEA a ensuite utilisé ces barrages et le grand risque de débordement comme éléments forts de pression dans une négociation qui a duré plusieurs jours.
Sans doute échaudé par cet échec, G Attal choisit la prudence dans sa déclaration de politique général en ne s’engageant sur l’agriculture que par l’affirmation de la nécessité de produire et quelques formules sibyllines dont « j’assume l’exception agricole française », comprenne qui pourra dans ses mots marqués de l’ADN de la Coordination Rurale évoquant la sortie de l’agriculture des accords commerciaux.
Débloquer dans l'urgence
Peu à peu les manifestations ont pris de l’ampleur, se sont rapprochées de Paris. Le Premier Ministre a dû, seul en première ligne, négocier sous une pression et un bras de fer de plus en plus puissant avec en toile de fond : l’ordre public, le Salon de l’Agriculture fin février et les élections européennes de juin. Rapidement les négociations se sont concentrées sur le point dur de la question environnementale regroupant des aspects de simplification, d’interdiction de molécules, de transition, de protection aux frontières. Le plan Ecophyto et l’accord de libre-échange avec l’Amérique du Sud dit MERCOSUR font alors figures de totems. Le 1° Février, le Premier Ministre énonce de nombreuses mesures de court terme ou plus structurantes mais ce sont l’annonce de la mise en « pause » du plan Ecophyto et l’affirmation que la France s’oppose à la signature de l’accord MERCOSUR qui ont certainement été déterminantes dans l’appel des dirigeants syndicaux (sauf de la Confédération Paysanne) à lever les blocages.
GNR et "Pause" Ecophyto deux bombes à retardement
Deux questions se posent alors. D’abord la France a-t-elle le pouvoir de bloquer seule le traité avec le MERCOSUR (si tant est que ce soit bénéfique). La réponse juridique est loin d’être claire et politiquement nous ne sommes plus du temps de la chaise vide du Général De Gaulle. Le Président de le République s’est beaucoup avancé … en plus, symbole fort pour nos partenaires européens, en conférence de presse depuis Bruxelles … Avait-il assuré ses arrières ? mystère… La signature d’un accord, même après amendements, provoquerait certainement une vive réaction des agriculteurs français.
Ensuite le plan ECOPHYTO de réduction de 50% de l’utilisation des produits de santé des plantes est-il simplement mis en pause ou discrètement remis en cause dans son ambition, voir purement et simplement enterré comme l’affirment les écologistes. Le gouvernement affiche une simple pause de trois semaines jusqu’au salon de l’agriculture. Est-ce une mise dans la seringue des parties prenantes pour ajuster rapidement quelques points techniques comme les critères de mesures, moderniser et rendre plus efficaces certains dispositifs comme l’accompagnement des producteurs, s’accorder sur de nouveaux moyens sans remettre en cause ni la trajectoire ni les axes d’action ? On pourra alors parler de Renaissance du plan qui en réalité n’a jamais décollé depuis 15 ans. Est-ce au contraire un enterrement de première classe ou une continuité sans modification tangible…alors gare aux retours de bâtons des environnementalistes dans le premier cas ou des agriculteurs dans le second… vous avez dit bombe à retardement ??
Jean-Marie Séronie
Agroéconomiste indépendant
Secrétaire de la section économie
et politiques de l’Académie d’agriculture
Comments